Le Traversier, Revue Littéraire
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Deuxième prix du Concours 2022

Texte proposé par Cyrille Divry

« Viens vite me butiner, j’en ai besoin ! Ton ADALE. »

A la découverte de l’annonce, Albert sentit un frisson lui parcourir l’échine. Depuis l’aurore, déjà, les lignes de texte défilaient devant ses yeux rougis de fatigue. Il nota l’adresse au stylo à plume. Oui, Albert aimait le crissement de la pointe d’acier sur la feuille, l’odeur de l’encre et aussi l’empreinte noire qu’il fallait laisser sécher. Selon lui, cela contrastait avec la rapidité de la technologie, cela contrebalançait les choses. Albert était comme ça. Il pensait qu’il fallait qu’il compense ses actions, qu’il y avait un équilibre dans tout, que ça avait une influence sur le monde. Là où sa théorie péchait, c’était sur le plan de sa vie amoureuse et franchement, à ce niveau, la balance penchait un peu trop du côté du néant ! C’est pourquoi il pensa qu’il ne fallait pas laisser filer cette aubaine. Il imaginait déjà l’amazone brune en guêpière l’attendre sur son gros édredon, les joues rosies par le désir et lui, avancer vers elle en conquérant sublime.
Il prit une douche brûlante, se rasa de près, s’aspergea d’un after-shave qu’il choisit boisé, puis passa des vêtements appropriés. Il n’avait pas compris pourquoi l’annonce stipulait de se munir de bottes mais ça tombait bien, il en avait une belle paire en cuir. Il les chaussa. De plus, le court texte précisait : Viens sans accessoires, seules tes mains suffiront ! Ses oreilles commencèrent à bourdonner, sa tension montait d’un cran. Albert se sentit pousser des ailes.Il ne lui fallut pas plus de dix minutes pour relier l’est de la ville.
Il se trouvait maintenant en rase campagne. Après dix minutes de marche vive, son smartphone lui apprit qu’il était arrivé à bon port. Il semblait y avoir de l’agitation autour de l’endroit en question. Il vit une grosse dame, plantée devant l’entrée d’un grand champ qui, toute souriante, l’apostropha : « Bonjour monsieur, bienvenu à l’ADALE, l’Association de Défense des Abeilles et des Légumes. Montrez-moi vos doigts ! » Albert incrédule tendit ses mains. Visiblement satisfaite, elle reprit : « Ce sera parfait. Ah, vous êtes surpris, je vois ? Oui, cet été, le manque d’abeilles fait qu’on demande aux gens de bonne volonté de venir polliniser les fleurs de courgettes, poivrons et aubergines de leurs propres mains.
Donc merci à vous d’être venu. Avec les bénéfices de la vente des légumes produits, nous pourront lancer une campagne musclée en faveur de la protection des abeilles. A l’ADALE, nous n’ avons qu’une seule devise « Avançons, dare-dare ! » Sur ces mots, elle laissa entrer notre homme, pris au piège et un peu déconfit.
Heureusement pour lui, en plongeant plus tard ses doigts dans les corolles jaunes des plans de courgettes, il rencontra ceux de la timide Georgette. Au beau milieu du champ, Albert oublia l’amazone, la guêpière et sa sublimité conquérante et ce fut le début pour lui d’un très gros changement. Il s’ensuivit une très belle lune de miel et ce, au Kazakhstan !

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