Mais à mieux l’écouter pouvait-il dire autre chose, ou pas ? Si en réalité il voulait exprimer un ressenti différent ? Au delà des quelques lettres qui le composent, quelle est la valeur d’un mot, et pour qui ? Pour toi, pour moi ou bien pour eux ?
Pourtant la signification des mots a toute son importance. Comment partager nos avis, comment échanger nos convictions, nos sentiments sans cet assemblage de phonèmes ?
Faut-il les utiliser brutalement, sans acception ? Serait-il préférable d’en faire un usage raisonnable pour leur donner, leur redonner du sens car « Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté » ?(Confucius)
Et puis il y a les modes, ces mots qui hier avaient pignon sur rue. Ceux-là même pouvant s’affranchir de l’ordre alphabétique et briguer les premières pages du dictionnaire du « bien parler ». Aujourd’hui ils ne trouvent plus une seule once de brio pour rappeler leur lustre passé et ne peuvent trôner qu’au temple du désuet.
Il y a aussi ces mots rares que la « vox populiste » accompagnée de quelques censeurs, ou réformateurs éclairés, ont décidé de jeter au pilori, ces éléments de notre patrimoine linguistique, envolés.
Qui oserait aujourd’hui énoncer, à haute et intelligible voix, qu’avec ses amis il vient de s’offrir les plaisirs d’une fillette. Sensuelle et subtile délectation ; sauf à préciser pour éviter la vindicte qu’il s’agit d’une demi-bouteille de vin de Touraine. *
La richesse de nos émotions tient aussi dans la liberté de notre vocabulaire. Point de censeurs, point de veto, nos émotions méritent bien cela. Délivrance des mots, indépendance du ton, licence du vécu.
Pour retrouver notre liberté, il nous faut une échappatoire, un lieu, ces pages où l’on puisse écrire sans risquer d’en périr .
Jouons avec eux, osons et n’ayons pas peur des mots.
* Fillette : petite bouteille en usage en Touraine, à Paris et dans le Beaujolais, d’une contenance de 37,5 cl