Le Traversier, Revue Littéraire
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Deuxiéme prix ex-aequo 2018 : "Remerciements" de Bernard Marsigny

Mon très cher ami

Je viens d’apprendre la bonne nouvelle : Ginette me quitte pour aller vivre avec toi. Il paraît que tu es son amant depuis quelques mois. C’est elle qui me l’a appris. Entre nous soit dit, tu aurais pu intervenir un peu plus tôt dans notre couple, nous aurions ainsi gagné du temps. Mais je tiens à te féliciter car pour vivre avec une emmerdeuse comme Ginette, il te faudra vraiment de la patience. Tu vas connaître ce que j’ai connu : ses sautes d’humeur, ses caprices, ses colères, ses bouderies, autant de choses dont elle ne t’a pas encore gratifié. Mais sois certain qu’elle ne tardera pas à se montrer telle qu’elle a toujours été. Je te souhaite donc bien du plaisir. Je ne parle pas du plaisir physique. Madame a dû, tout ce temps, te faire croire qu’elle est une grande amoureuse, alors qu’en temps normal elle ne donne libre cours à sa libido que dans un cadre strictement calvino-cistercien. Moi, dans ce domaine, il y a longtemps que j’ai renoncé à la faire progresser.

Rassure-toi, notre amitié ne peut en aucun cas être ternie par ce léger changement. Tu me fais là le plus royal des cadeaux puisque je vais enfin savourer ma liberté retrouvée. Je ne l’espérais plus. Tu es le meilleur des amis. Je tiens toutefois à bien préciser les choses : pas question de me la renvoyer en colissimo, lorsque tu t’apercevras dans quelque temps qu’elle est insupportable, autoritaire, dépensière et ronfle la nuit. Tu gardes le tout tel qu’il est et tu tentes de t’en accommoder. Mais je te préviens, ça ne va pas être simple. Aussi, au nom de notre inaltérable amitié, je n’ai qu’un mot à te dire : COURAGE !

Bien à toi : ton ami : Jean-Paul

Mon très cher Jean -Paul

Je te remercie de ta lettre. Savoir que notre amitié ne peut en aucun cas être ébranlée par ce léger changement de situation, m’a apporté un grand soulagement..
Aussi, puisqu’avec un ami tel que toi on peut tout partager, les bons comme les mauvais moments, j’en viens à la raison même de ma lettre : Tu ne m’as pas tout dit à propos de Ginette. Et c’est un peu ce que je te reproche.
Car, depuis qu’elle vit avec moi, j’ai découvert en effet qu’elle déteste faire la cuisine et que ce qu’elle consent parfois à cuisiner est à peine mangeable.
En outre, question culture, elle ne s’intéresse à peu près à rien. Tu aurais pu m’en toucher deux mots. Moi qui avais l’habitude de regarder « La grande Librairie », je suis contraint de me fader tous les jours « Plus belle la vie » et chaque samedi, pour terminer la semaine en beauté, j’ai droit à « the Voice ». Tu imagines ma souffrance ? Je ne me doutais pas qu’elle était inculte à ce point. Son inculture va même, si j’ose dire, au-delà des bornes généralement admises. Inutile, tu dois bien t’en douter, de lui proposer une soirée concert pour aller écouter les sonates de Brahms ou de Bach J’ai essayé. J’ai eu droit à un non catégorique. Elle ne jure que par Céline Dion et Bruel. Ces deux-là je ne les supporte plus. Comment as-tu pu résister si longtemps ?
Quant au sexe, tu avais hélas raison. Il y a encore du boulot ! Madame est terriblement répétitive, si tu vois ce que je veux dire.

Voila mon cher Jean-Paul quelle est aujourd’hui ma situation. Je maigris à vue d’œil, j’ai perdu le goût des belles choses. Je n’ai plus envie de sortir. Ma vie, si pleine autrefois, est devenu fade et sans intérêt. Tout cela, hélas, à cause de TA femme ! A cause de TA GINETTE !!! Reconnais-le au moins : si tu y avais mis un peu plus du tien, elle n’aurait pas eu envie d’aller voir ailleurs !!!
Mais on ne refait pas le passé !
De mon côté, c’est vrai, je le confesse très humblement : j’ai eu une très mauvaise idée en faisant de ta femme ma maîtresse et en voulant ensuite vivre avec elle. Mais si ça continue à ce rythme, je le sens, je vais craquer. Et ce n’est sans doute pas ce que tu souhaites.
Alors, au nom de notre belle amitié indéfectible, je te le demande comme un service :
Sans la reprendre à plein temps, ne pourrais-tu la récupérer au moins un week-end sur deux ?
Ça me soulagerait !!!
Ton ami : Julien

Après réflexion les deux garçons trouvèrent une solution au problème. Ils vivent désormais ensemble et sont très heureux. Ginette a séché ses larmes et a trouvé un nouveau compagnon.
C’est un ami de longue date de Jean-Paul et Julien

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